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Mathilde

Les Ombres d’Esver

Dernière mise à jour : 26 juin 2019

de Katia Lanero Zamora aux éditions Actusf (collection Naos)


Je viens tout juste de terminer cette lecture et… quelle lecture ! Un véritable coup de cœur pour ce roman jeunesse de Katia Lanero Zamora.


Résumé

« Amaryllis a 16 ans et n’a jamais connu que la maison où elle est née, le domaine d’Esver, reculé, magnifique, mystérieux. Dans ce manoir qui tombe en ruines où elle vit seule avec sa mère austère, elle étudie la botanique avec l’espoir d’en faire son métier... Le jour où elles reçoivent une lettre du père annonçant la vente du domaine et le mariage forcé d’Amaryllis à un de ses associés, tout bascule. Pour échapper à ce destin, malgré les ombres qui hantent ses nuits, la jeune fille répondra-t-elle à l’aventure fantastique qui se cache derrière les portes fermées d’Esver ? »


L'histoire

On suit la jeune Amaryllis, 16 ans, qui a vécu toute sa vie dans le manoir d’Esver, une immense bâtisse tombant en ruine depuis des années, avec sa mère, Gersande. Une femme sévère et stricte, qui tient à inculquer à sa fille tous les savoirs existants sur la botanique, la faisant étudier du matin au soir, sans relâche, pour qu’elle puisse intégrer une haute institution quand elle sera capable de passer l’examen d’entrée. Elle ne peut s’intéresser à rien d’autre que les fleurs et les plantes ainsi que leurs déclinaisons latines. Le reste est interdit. Sa routine est donc parfaitement réglée. Et quand vient le soir, sa mère lui fait ingurgiter son sirop quotidien car elle est malade : elle voit des ombres qui la surveillent le soir venu dans chaque recoin de sa chambre, du manoir, qui terrorise ses nuits et ses rêves, les peuplant de cauchemars insupportables. La jeune fille est docile, ayant quelques pensées rebelles mais les étouffant en se convaincant que tout cela est pour son bien et que, de toute façon, « le jour se lèvera et ça sentira bon le soleil ».

Jusqu’au jour où une lettre de son père arrive : le manoir va être vendu à l’un de ses associés qui, dans la foulée, deviendra le mari d’Amaryllis. C’en est trop pour la jeune fille : l’éducation sévère de sa mère à laquelle elle n’adhère plus, ses leçons qu’elles n’arrive plus à supporter et un mariage forcé avec un homme de l’âge de son père. Elle s’enfuit. Pour la première fois, elle essaie de briser sa peur et les ténèbres qui entourent le manoir. Mais ce qu’elle rencontre va au-delà de ce qu’elle pensait imaginer : des ombres prêtes à lui sauter à la gorge, des créatures fantastiques tout droit sorti de contes, des monstres, eux, sorti de ses cauchemars… Le domaine semble être habité d’une autre âme, d’un univers parallèle qui se révèle quand la nuit tombe, où ombre et lumière se battent dans un combat qui semble ne pas avoir de fin. La question se pose alors : Amaryllis est-elle à l’abri de ce qui se passe dehors dans le manoir ou en est-elle vraiment prisonnière ?

Mais quand vient le jour, tout disparaît sans laisser de trace et ses leçons reprennent leurs droits sur son esprit. S’agit-il d’un rêve ou de la réalité ? Est-elle véritablement folle ou refoule-t-elle des souvenirs enfouis ? Quelle est la véritable facette de ce qu’elle voit et expérimente ? Malgré les indices qu’elle trouve au fil de l’histoire, rien n’est sûr, sa mère la ramenant à chaque fois, brutalement, à la réalité.

Les personnages

Si le début me laissait un peu septique quant à la mise en place de l'histoire et l'aspect plutôt descriptif sur les premiers chapitres, la suite m’a tout de suite happée par les mystères qu’elle dévoilait et qui grandissaient. Ce qui m’a le plus surpris, et un peu déroutée, c’était de plonger dans une relation mère-fille à laquelle je ne m’attendais pas du tout. Ayant lu le résumé, j’imaginai quelque chose de plus chaleureux entre ses deux personnages sachant qu’elles sont ensemble depuis des années. Au contraire, il s’agit d’une relation distante, où les deux femmes se vouvoient et laisse planer une politesse tirée d'une éducation de bonne famille sans vraiment se vouer une affection particulière. Il faut savoir qu’on se situe dans une époque où les mères sont censées être des marâtres pour éduquer leurs filles, où les femmes sont considérées comme des êtres dénués d’intelligence et où les filles sont encore la propriété de leur père. Néanmoins, quelques moments de complicité apparaissent entre Amaryllis et Gersande, ce qui permet de mettre un peu de chaleur au récit.


Mais j’ai aimé détesté le personnage de Gersande pour ensuite apprendre à l’aimer, au fur et à mesure de ma lecture, en découvrant ses faiblesses. Au début, c’est une mère intransigeante et incapable d’être à l’écoute de sa fille en la forçant à étudier un sujet qui ne l’intéresse pas plutôt que de la guider vers un avenir qui lui correspond plus. Elle semble reproduire les mêmes vices que sa mère lui avait fait endurer pendant sa jeunesse comme une punition à sa fille en réalisant à travers elle le rêve qu’elle n’avait jamais eu la chance d’obtenir. Mais elle s’avère être une mère qui tente tout pour sauver l’avenir de sa fille des pièges qui la guettent quitte à en perdre son âme pour cela et en se détachant d’elle et de ses émotions, se cachant derrière sa honte et ses secrets.

Le père d’Amaryllis, sa grand-mère et son oncle ont toujours eu la même haine du début à la fin, croyant savoir plus que tout le monde ce qui vaut mieux pour les autres, aimant le pouvoir au-delà du raisonnable pour humilier et écraser les autres et qui pour eux, tout s’achète avec un peu d’argent et de belles présentation. Rien de bien extraordinaire mais, dans ce roman, cela vous donne envie de briser un mur à coups de poings.


Le plus

Par-dessus tout, j’ai adoré ce doute que l’autrice ne résout jamais vraiment, cette frontière instable entre ce qu’on imagine et ce qui est la réalité. Les deux ne semblent jamais vraiment se rencontrer mais restent détaché.

Il s’agit d’un univers sombre qui casse les codes du mal car, ici, le seul mal est celui qui nous emprisonne, ce sont nos démons intérieurs, nos peurs viscérales auxquelles il faut faire face pour pouvoir avancer. Les regarder en face, s’en imprégner pour mieux les apprivoiser. Il faut du courage pour les personnages mais aussi pour le lecteur, pour faire défiler les pages afin de découvrir ces ombres qui peuplent Esver.

C’est aussi un récit féministe dans une époque où se dresser face aux hommes ne fait récolter aux femmes qu’une paire de gifles. Mais Amaryllis et sa mère sont deux femmes fortes, se rebellant contre cette autorité qui leur prend tout. Elles sont unies par des forces qui vont au-delà de ce patriarcat cruel : leur amour l’une pour l’autre, qu’elles ont passé toute une vie à cultiver, leur volonté d'émancipation et celle de réaliser leurs rêves. C’est elles contre le reste du monde car elles se sauvent mutuellement de leurs démons passés pour faire renaître la lumière.


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